En mer...

Mardi 27 septembre, 8h30,

Le jour à peine levé, nous remontons l'ancre... NON, elle est engagée ! La chaîne est crochée au fond, impossible de partir ! Comme à Belle-Ile l'autre jour, au moment de partir pour 4 jours de mer . L'histoire bégaie-t-elle ?

Durant une demi-heure, nous tournons, tirons, relâchons de la longueur, tournant dans l'autre sens. Rien n'y fait, la chaîne est toujours bloquée dans un rocher. Tout couper ? Et perdre 30 mètres de chaîne et une grosse ancre de 16kg ? Difficile de prendre une telle décision avec sa conséquence sur la sécurité en cas d'urgence, même si nous avons deux ancres plus petites en réserve.

De guerre lasse, je tends la chaîne à pic. Et une petite vague, toute petite et toute puissante lève l'avant du bateau dans un bruit de roche brisée. Puis une autre vague, et encore une autre... et la chaîne se libère enfin !


Nous nous dégageons de la côte au moteur, puis comme prévu le vent se lève et nous partons, tout dessus, vers le sud et les îles Canaries. Puis le vent monte, force 4, puis 5 et enfin 6 rafales à 7. A la tombée de la nuit, nous affalons la grand voile. Nous resterons sous foc seul durant les 7 jours de la traversée vers les îles.


Première nuit et une mer agitée, un bateau qui rue sur des vagues croisées. L'estomac du capitaine chavire, les poissons sont contents. Et un apprentissage de plus : comme la banane, le poivron a le même goût dans les deux sens :-)

C'est au tour de la seconde capitaine d'être nauséeuse le lendemain et le surlendemain ! Mais elle reste stoïque et les poissons restent sur leur faim...


En parlant de poissons, justement, à quatre reprises les lignes ont travaillé: 2 daurades coryphènes aux couleurs jaunes à pois bleus superbes terminent dans notre assiette, une retrouve sa liberté. Pour la dernière touche, je ne peux rien en dire si ce n'est que le câble acier du bas de ligne, supportant 45kg a cassé...


Autres pêches me direz-vous ?

Oui, 3 calamars de petite taille retrouvés au matin sur le pont du bateau ! Je ne savais pas que ces animaux pouvaient sauter hors de l'eau à plus de 2 mètres ! J'en ai même retrouvé un coincé dans le palan de hale-bas, 20cm au-dessus de la cabine !

Si ces calamars ont échappé ainsi à leurs prédateurs, le résultat pour eux n'a pas été super tout de même...

Autre pêche ? Oui, un Puffin Cendré... Ce bel oiseau a trouvé le leurre de la ligne de pêche à son goût et l'a avalé comme un imbécile. Ses copains tournent autour de lui, chalutant au bout de sa ligne. Ils crient de manière émouvante. Heureusement, nous avons réussi à le ramener à bord et le décrocher. Il est parti en volant sous les vivats de ses copains.

Je me souviens de la fois où j'avais été obligé d'en tuer un et du chagrin des autres oiseaux qui tournaient autour du cadavre en pleurant comme de jeunes enfants. Je ne voulais pas revivre cette triste scène.


Au quatrième jour, les estomacs se sont réalignés, le rythme s'est installé et nous avons dégusté avec appétit les milles qui défilaient comme les gouttes d'eau des vagues. Nous vivons du temps qui passe, lisant (enfin!), dormant, mangeant, rêvant, faisant des mots croisés... La nuit, Françoise assure le quart jusqu'à minuit et je prends le relais jusqu'à 8 heures du matin, faisant des petites siestes dehors de temps à autre. Puis Françoise prend le relais de 8 heures à midi. Ainsi, peut-elle dormir la nuit et éviter sa terrible migraine. Nous sommes bien calés dans ce rythme.

La veille est assuré par un regard sur l'horizon de manière régulière, mais aussi (surtout?) par le système AIS (Automatic Identification Système) qui nous alarme dès qu'un cargo ou un bateau de pêche est prévu nous croisant à moins d'un mille marin .


Septième jour, septième nuit. Mardi 3 octobre 2022.

Dans une nuit bien sombre, grâce à la cartographie électronique, nous nous glissons dans une petite baie au nord de Tenerife. L'ancre plonge dans dix mètres d'eau, au pied du mont Anaga, il fait très chaud (26 degrés). Fin d'une belle traversée de 920 milles marins (1700km).

Nostalgie de ces belles journées de mer, et émotion de retrouver cette belle île, 6 ans après que Hirnez y a passé un hiver au chaud.